Depuis début avril 2025, l’Algérie a mis en service une base aérienne ultramoderne à Oum el Assel, dans la wilaya de Tindouf, à seulement 72 km de la frontière marocaine. Présentée officiellement comme une mesure défensive face aux instabilités régionales, cette installation fait pourtant craindre à Rabat une capacité de projection rapide et de dissuasion renforcée de la part d’Alger.
Les images satellites de l’Observatoire Atlantique de Défense et de l’Armement confirment l’ampleur du projet : deux chasseurs MiG‑29M2 équipés de missiles air‑air, des dépôts de munitions enterrés, des hangars prêts à accueillir des Sukhoï multirôles, ainsi qu’une station radar d’alerte précoce capable de détecter des incursions aériennes à plusieurs centaines de kilomètres. La piste d’atterrissage, élargie et allongée, est désormais adaptée aux appareils lourds et aux ravitailleurs, traduisant une volonté claire de projection de puissance.
Alger justifie le lancement de ce chantier, initié fin 2021, par la nécessité de sécuriser ses frontières méridionales menacées par le terrorisme et les trafics illicites. Néanmoins, la proximité stratégique de cette base avec le Maroc, dans une région déjà marquée par la présence de camps de réfugiés sahraouis et du Front Polisario, suscite des inquiétudes quant à une possible utilisation offensive en cas de crise bilatérale.
Les relations entre l’Algérie et le Maroc sont marquées par une histoire de tensions : la guerre des Sables de 1963, la fermeture des frontières terrestres en 1994, la rupture diplomatique de 2021 et la question toujours irrésolue du Sahara occidental. Chacun des deux pays a modernisé son arsenal ces dernières années : drones israéliens et systèmes de défense occidentaux pour Rabat, flotte de combat russe et budget militaire en hausse pour Alger. Cette course aux armements alimente un climat de défiance où chaque mouvement est interprété comme une provocation.
Au-delà du face‑à‑face maghrébin, la base d’Oum el Assel s’inscrit dans un jeu d’influences plus large. L’Algérie renforce son partenariat militaire avec la Russie, tandis que le Maroc tisse des alliances sécuritaires avec l’Occident et Israël. Dans le Sahel, Alger, qui soutenait les transitions militaires au Mali et au Niger, se trouve désormais en désaccord avec certains régimes après l’incident d’un drone malien abattu en février 2025.
Malgré la tension croissante, un conflit ouvert paraît peu probable tant les deux pays sont interdépendants sur les plans économique et diplomatique. Toutefois, la mise en service de cette base illustre la transformation de la frontière algéro‑marocaine en une zone de « guerre froide » prolongée, faite de démonstrations de force et de surenchères verbales. Sans relance d’un dialogue bilatéral ni médiation internationale efficace, cette militarisation risque de peser durablement sur la stabilité et le développement des régions frontalières.