Les tensions entre Paris et Alger ont connu une nouvelle escalade après la diffusion d’un reportage controversé par France 2. Ce reportage, qui prétend enquêter sur des interventions algériennes supposées en France visant à neutraliser des militants kabyles, a provoqué une réaction immédiate et virulente du gouvernement algérien, qui y voit une manœuvre médiatique servant des intérêts politiques bien définis.
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Un reportage explosif perçu comme une attaque contre l’Algérie
Diffusé dans le journal télévisé du 3 mars 2025, le reportage de France 2 met en lumière des témoignages d’opposants kabyles affirmant subir des pressions et des intimidations de la part des autorités algériennes, y compris en France. Selon ces révélations, des militants du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) auraient été contraints, via des menaces, à renoncer à leur nationalité algérienne, une accusation qui alimente un débat plus large sur le respect des droits humains et la protection des exilés politiques.
Le documentaire évoque également des opérations de surveillance et d’influence présumées de la part d’Alger, visant à dissuader les membres de la diaspora algérienne de critiquer le régime. Pour les médias français, cette enquête s’inscrit dans une volonté de dénoncer des pratiques contraires aux valeurs démocratiques. Mais pour l’Algérie, il ne s’agit que d’une « campagne de déstabilisation » orchestrée par une France en crise.
Alger contre-attaque : une manipulation orchestrée par Paris
Face à ces accusations, les autorités algériennes ont réagi avec virulence, dénonçant une ingérence dans leurs affaires internes. Dans un communiqué officiel, le gouvernement a qualifié le reportage de France 2 de « montage médiatique honteux », assimilant son contenu à une tentative de manipulation de l’opinion publique. Selon Alger, la télévision publique française, jusqu’ici relativement prudente dans sa couverture des affaires algériennes, aurait adopté une posture hostile rappelant les médias d’extrême droite.
L’Algérie estime que ces attaques médiatiques relèvent d’une stratégie politique visant à détourner l’attention des crises internes françaises, notamment une dette publique dépassant 3200 milliards d’euros, une attractivité économique en déclin et une société divisée depuis les manifestations des Gilets jaunes. Pour Alger, cette couverture médiatique s’apparente à une diversion, exploitant la question kabyle pour masquer les échecs de la classe politique française.
Une fracture historique et politique persistante
Le gouvernement algérien replace également cette affaire dans un contexte historique plus large. Il rappelle que la France a une longue tradition d’ingérence dans ses affaires, et évoque notamment son passé colonial, ses anciennes manœuvres pour influencer la politique algérienne, ainsi que le soutien apporté par certaines figures politiques françaises à des groupes perçus comme « séparatistes ». L’Algérie va jusqu’à comparer cette offensive médiatique aux actions de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), groupe extrémiste français ayant combattu pour maintenir la colonisation de l’Algérie.
Dans cette optique, Alger affirme que son approche envers les exilés kabyles n’a rien à voir avec une volonté de « répression », mais relève plutôt d’un projet de « rassemblement national ». Le président Abdelmadjid Tebboune aurait réitéré son souhait de voir tous les Algériens, y compris ceux vivant à l’étranger, participer au développement du pays, une dynamique entamée dès 2022 avec la politique de « réconciliation nationale ».
Un affrontement aux conséquences géopolitiques et économiques
Cette crise médiatique intervient dans un contexte diplomatique tendu, où les relations franco-algériennes sont déjà fragilisées par plusieurs dossiers sensibles :
- Le différend sur le Sahara occidental, où la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le territoire a provoqué la colère d’Alger.
- L’évolution des alliances économiques, avec une Algérie qui se tourne de plus en plus vers la Chine et la Russie, au détriment de la France.
- Les tensions autour des flux migratoires, où Paris demande une coopération renforcée sur le retour des migrants en situation irrégulière, tandis qu’Alger accuse la France d’exercer des pressions injustifiées.
Dans ce climat, la diffusion du reportage de France 2 n’a fait qu’accentuer la défiance entre les deux nations. L’Algérie perçoit cet épisode comme une tentative d’ingérence visant à affaiblir son autorité et à raviver des tensions internes, tandis que la France insiste sur son rôle de défenseur des libertés fondamentales.
Quelle suite pour les relations franco-algériennes ?
Si les tensions persistent, elles pourraient avoir des répercussions sur plusieurs domaines, notamment économiques et sécuritaires. Une détérioration des relations pourrait compromettre certains accords stratégiques, notamment en matière énergétique, alors que l’Europe cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz.
De son côté, Alger semble déterminée à affirmer son indépendance et à rejeter toute tentative de pression extérieure. Comme l’indique son communiqué officiel, l’Algérie « ne se laissera pas intimider par des campagnes médiatiques orchestrées » et « continuera à défendre sa souveraineté face aux manœuvres étrangères ».
Cette affaire illustre une fois de plus la difficulté pour la France et l’Algérie d’entretenir des relations apaisées, tant les cicatrices du passé et les divergences stratégiques continuent d’alimenter la méfiance mutuelle. Si un dialogue politique apaisé semble nécessaire pour éviter l’escalade, il est clair que les relations entre les deux pays restent marquées par une rivalité historique et des intérêts contradictoires.