POURQUOI AL JAZEERA S’ACHARNE SUR LE MAROC ? — MANIPULATION OU JOURNALISME ?

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Introduction

Dans le paysage médiatique arabe, Al Jazeera s’impose comme une voix puissante, portée par le Qatar et marquée par une ligne éditoriale critique à l’égard des régimes conservateurs. Si la chaîne a souvent été saluée pour son rôle dans la démocratisation de l’information au Moyen-Orient, elle est aussi accusée d’amplifier certaines protestations pour servir les intérêts diplomatiques de Doha. Au Maroc, les protestations contre la normalisation avec Israël, les manifestations sociales et les rumeurs de transit d’armes israéliennes via les ports de Tanger Med et Casablanca ont trouvé dans Al Jazeera une caisse de résonance puissante. Pourtant, ce traitement médiatique contraste fortement avec le silence de la chaîne sur les relations officieuses entre le Qatar et Israël. Ce double standard pose la question d’un usage stratégique de l’information à des fins de soft power.


1. Une médiatisation active des protestations marocaines

Depuis les Accords d’Abraham en 2020, la relation entre le Maroc et Israël a franchi un cap, notamment avec l’ouverture de liaisons aériennes, des accords militaires et économiques. Cette dynamique a provoqué des réactions populaires, particulièrement dans un contexte de guerre à Gaza. Al Jazeera, fidèle à sa ligne pro-palestinienne, a couvert en continu les manifestations du 6 avril 2025 à Rabat, où des dizaines de milliers de citoyens ont protesté contre la guerre menée par Israël et contre la normalisation maroco-israélienne.

Les images diffusées par la chaîne montraient des drapeaux israéliens piétinés, des slogans contre la monarchie et des banderoles réclamant la fin de la coopération avec Tel-Aviv. Al Jazeera a accordé à cette manifestation un temps d’antenne inhabituellement long, avec des reportages en boucle sur sa version anglophone comme arabophone. Ce choix éditorial contribue à positionner le Maroc comme un maillon contesté dans l’échiquier régional.


2. Tanger Med et Casablanca : entre rumeurs et traitement militant

En avril 2025, de nouvelles manifestations ont eu lieu à proximité des ports stratégiques de Tanger Med et Casablanca. À l’origine : la rumeur selon laquelle des navires comme le Maersk Denver auraient transporté du matériel militaire destiné à Israël, notamment des composants utilisés dans la fabrication de drones et d’avions F-35.

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Al Jazeera a diffusé plusieurs reportages sur ces protestations, montrant des sit-in, des appels au boycott, et des critiques visant la logistique portuaire marocaine, malgré les démentis officiels. Le ministère des Transports marocain a précisé que les cargaisons étaient composées de denrées alimentaires destinées au Sultanat d’Oman et non à Israël. Toutefois, dans un contexte géopolitique tendu, la chaîne a continué à présenter les faits comme une possible complicité du Maroc avec l’armée israélienne.

Cette couverture, bien qu’habillée d’un vernis journalistique, participe à alimenter la colère populaire et donne à des faits non vérifiés une portée symbolique lourde. Le port de Tanger Med, vitrine du Maroc moderne, se trouve ainsi au cœur d’une bataille d’opinion relayée sur le plan international.


3. Des liens Qatar-Israël réels, mais invisibles à l’antenne

Ce qui frappe dans le traitement d’Al Jazeera, c’est son silence sur les relations du Qatar avec Israël. Bien que Doha ne dispose pas de relations diplomatiques formelles avec Tel-Aviv, des liens discrets mais constants existent, notamment dans la médiation avec le Hamas et le financement humanitaire de Gaza.

Depuis 2012, le Qatar a versé plus d’un milliard de dollars à la bande de Gaza, en coordination avec Israël, afin de financer l’aide humanitaire, payer les fonctionnaires locaux et alimenter le réseau électrique. En mars 2025, une délégation israélienne s’est rendue à Doha pour négocier une trêve avec le Hamas, démontrant l’existence de canaux diplomatiques actifs. Pourtant, ces interactions ne sont presque jamais mentionnées par Al Jazeera, qui préfère concentrer son feu critique sur les pays ayant normalisé ouvertement avec Israël, comme le Maroc ou les Émirats arabes unis.

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Ce traitement asymétrique pose question. Il donne l’impression d’une indignation sélective, où l’éthique journalistique cède la place à une logique géopolitique : soutenir la cause palestinienne tout en préservant les intérêts stratégiques de Doha, y compris ses propres coopérations tacites avec Israël.


4. Une monarchie qui résiste à la pression médiatique

L’effet recherché par Al Jazeera semble être double : renforcer l’opposition populaire aux choix diplomatiques du Maroc et fragiliser symboliquement l’image de la monarchie. Pourtant, malgré la fréquence des manifestations relayées et les critiques indirectes, le roi Mohammed VI conserve une forte légitimité.

Les derniers sondages d’opinion disponibles (Arab Barometer, 2020) montrent un attachement durable à la monarchie chez près de 70 % des Marocains. Cette stabilité s’explique par un équilibre entre réformes économiques, discours religieux et diplomatie pragmatique. Les protestations relayées par Al Jazeera, bien qu’amplifiées, restent ponctuelles, organisées par des mouvements marginaux ou encadrés, et ne dégénèrent pas en contestation systémique.

En 2010, le Maroc avait suspendu les activités d’Al Jazeera, l’accusant de distorsion de l’image du pays, notamment sur le Sahara occidental. En 2025, malgré les tensions, aucune mesure similaire n’a été prise, signe d’une maturité institutionnelle et d’un calcul stratégique pour ne pas internationaliser davantage la controverse.


Conclusion

L’influence d’Al Jazeera au Maroc repose sur une stratégie d’exposition sélective : faire de chaque mobilisation un symbole, de chaque rumeur une brèche, et de chaque critique une menace latente à la stabilité. Ce prisme éditorial, tout en s’appuyant sur des événements réels, omet volontairement certains équilibres diplomatiques – notamment ceux liant le Qatar à Israël.

La monarchie marocaine, malgré ces pressions, montre une résilience notable. Le défi reste néanmoins de proposer une offre médiatique nationale capable d’informer avec rigueur tout en donnant la parole à la critique. C’est dans cet espace équilibré que se jouera la souveraineté informationnelle du royaume.

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