Le 30 septembre 2025 marquera une date symbolique dans la gestion internationale du conflit du Sahara occidental. En annonçant la fin des missions de ses employés du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) dans les camps de Tindouf, à Laâyoune, et même à Rabat, l’Organisation des Nations unies invoque des contraintes budgétaires croissantes. Mais derrière ce retrait officiel aux allures techniques, se dessine une recomposition stratégique aux implications profondes. Cette décision traduit un glissement progressif de la gestion du conflit vers une logique régionale, dans un contexte d’affaiblissement du multilatéralisme et de repositionnement des acteurs-clés.
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Une décision dictée par la crise financière de l’ONU
Officiellement, le retrait des équipes du HCR s’inscrit dans un plan global de réduction budgétaire. L’ONU, en situation de crise de liquidités, cherche à réduire de 15 à 20 % son budget régulier pour 2026. Les retards de paiement de la part des principaux contributeurs comme les États-Unis (22 % du budget) et la Chine (20 %) ont exacerbé les tensions financières. Dans ce contexte, les missions considérées comme « non prioritaires » font l’objet de coupes, dont celle du personnel du HCR lié au dossier saharien. Toutefois, si la raison budgétaire est réelle, elle ne saurait masquer les implications géopolitiques de cette décision.
Le Maroc, bénéficiaire indirect d’un retrait stratégique
Du point de vue de Rabat, cette réduction de la présence onusienne peut être interprétée comme une opportunité géopolitique. En affaiblissant la visibilité internationale dans les provinces du Sud, le Maroc gagne en liberté d’action pour renforcer sa souveraineté de facto sur le Sahara occidental. Le développement économique dans la région, l’installation d’infrastructures stratégiques et l’ouverture de consulats par des pays africains et arabes à Laâyoune et Dakhla s’inscrivent dans une dynamique où la reconnaissance internationale progresse, même sans résolution officielle du conflit. Le retrait du HCR pourrait alors faciliter cette « marocanisation silencieuse » du territoire.
L’Algérie et le Front Polisario en perte de relais institutionnel
À l’opposé, ce retrait représente un affaiblissement symbolique pour le camp algérien et le Front Polisario. Ces derniers s’appuyaient sur la présence du HCR à Tindouf pour légitimer la situation humanitaire dans les camps et plaider pour une surveillance internationale continue. L’absence de personnel du HCR pourrait conduire à une gestion plus opaque de l’aide humanitaire, tout en réduisant les leviers de pression diplomatique de l’Algérie dans les enceintes multilatérales. Cela accentue le sentiment d’isolement croissant du camp pro-sahraoui dans un monde de plus en plus indifférent à la question.
Vers une régionalisation du conflit saharien
Ce retrait s’inscrit dans une tendance plus large : le désengagement progressif des grandes puissances du dossier saharien. Avec une ONU fragilisée, une MINURSO en perte d’influence et une communauté internationale détournée par d’autres crises (Ukraine, Sahel, Gaza), le Sahara occidental cesse d’être une priorité diplomatique. La résolution du conflit devient de plus en plus l’affaire des acteurs régionaux – Maroc, Algérie, Mauritanie – sans médiation active. Ce basculement réduit l’espace pour une solution négociée sous l’égide des Nations unies.
Conclusion : un signal faible mais stratégique
Derrière la justification budgétaire, le retrait du HCR de Tindouf, Laâyoune et Rabat constitue un tournant discret mais lourd de conséquences. Il traduit l’affaiblissement de l’approche multilatérale dans la gestion du conflit saharien, au profit d’une reconfiguration régionale du rapport de force. Le Maroc semble y trouver une marge de manœuvre accrue, tandis que le Front Polisario et l’Algérie perdent un relais essentiel dans leur stratégie d’internationalisation de la question. Ce rééquilibrage silencieux annonce-t-il la fin d’une ère diplomatique ou le début d’une nouvelle phase d’enlisement stratégique ? Le temps nous le dira.