Au cœur du Maghreb, un geste diplomatique a récemment attiré l’attention des observateurs de la région : la réception officielle d’une délégation sahraouie à Nouakchott par le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani. Alors que la Mauritanie maintient officiellement une position de neutralité vis-à-vis du conflit du Sahara occidental, cet événement soulève une question troublante : la Mauritanie joue-t-elle un double jeu avec le Maroc ?
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Une neutralité sous pression
Depuis son retrait officiel du conflit en 1979, la Mauritanie tente de conserver une posture d’équilibre entre ses deux voisins influents : le Maroc, qui contrôle environ 80 % du territoire du Sahara occidental, et l’Algérie, soutien majeur du Front Polisario. Cette neutralité est autant diplomatique que stratégique : elle permet à Nouakchott de ménager ses alliances régionales tout en protégeant ses intérêts sécuritaires et économiques dans une zone sensible.
Mais l’accueil d’une délégation conduite par Hama Salama, président du Parlement de la RASD (République arabe sahraouie démocratique), va bien au-delà d’un simple geste protocolaire. C’est un signal fort envoyé à Alger et aux indépendantistes sahraouis, dans un contexte où les tensions militaires sont croissantes autour de la zone tampon séparant le Maroc et le Sahara occidental.
Des gestes diplomatiques aux mouvements militaires
Parallèlement à cet acte diplomatique, l’armée mauritanienne a renforcé sa présence militaire à la frontière avec le Sahara occidental, notamment dans la région de Lebriga. Des sources évoquent des blocages de passages traditionnellement utilisés par le Polisario pour transiter entre Tindouf et Zouérat, un axe stratégique pour la logistique sahraouie.
Cette montée en puissance militaire pourrait être interprétée comme une volonté de Nouakchott d’affirmer sa souveraineté territoriale et de préserver ses zones d’exploitation économique, notamment en matière d’orpaillage. Mais elle peut également apparaître comme un geste rassurant à l’égard du Maroc, soucieux de la stabilité régionale.
Un équilibre géopolitique de plus en plus instable
La Mauritanie tente ainsi de se positionner comme un acteur pivot, capable de dialoguer avec toutes les parties, sans pour autant s’aliéner aucun camp. Mais cette stratégie d’“équilibrisme diplomatique” devient de plus en plus risquée : un rapprochement trop marqué avec le Polisario pourrait provoquer une réaction de Rabat, tandis qu’un alignement trop clair avec le Maroc risquerait d’entamer la coopération sécuritaire avec Alger, essentielle dans la lutte contre les groupes armés au Sahel.
À cela s’ajoute la pression croissante des puissances internationales, notamment la France, les États-Unis et certains pays du Golfe, qui soutiennent de plus en plus ouvertement le plan d’autonomie marocain.
Une question de souveraineté
Loin de représenter une simple manœuvre diplomatique, l’accueil de la délégation sahraouie par la Mauritanie s’inscrit dans une stratégie complexe de gestion de ses alliances régionales, de protection de ses intérêts frontaliers, et de préservation de sa souveraineté. Entre les attentes du Maroc, les exigences de l’Algérie, et les tensions persistantes dans la zone tampon, Nouakchott tente de ne pas perdre pied dans un échiquier géopolitique de plus en plus imprévisible.