La route de la discorde qui pourrait faire exploser l’Algérie et la Mauritanie

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La question du Sahara occidental, territoire non autonome selon l’ONU, cristallise depuis des décennies les tensions entre le Maroc et l’Algérie, transformant ce dossier en véritable levier de pouvoir régional. Alors que Rabat défend un plan d’autonomie sous sa souveraineté, Alger soutient le droit à l’autodétermination du Front Polisario, qu’elle héberge dans ses camps de Tindouf. Mais aujourd’hui, ce conflit gelé se réchauffe, et la Mauritanie, longtemps neutre, semble basculer dans l’orbite marocaine, risquant d’embraser davantage la région.


La Mauritanie, nouveau pivot stratégique

La récente décision de Nouakchott d’ouvrir un poste frontalier terrestre avec le Maroc à Bir Moghrein, officialisée par une circulaire du ministère mauritanien de l’Intérieur, marque un tournant historique. Ce geste, perçu comme une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, a immédiatement provoqué la colère du Polisario et de l’Algérie. Pour les indépendantistes sahraouis, cette ouverture équivaut à une trahison, rappelant les affrontements sanglants de 2020 à Guerguerat, où les forces du Polisario avaient tenté de bloquer la route commerciale vers la Mauritanie.

Pour le Maroc, cette avancée est une victoire diplomatique majeure. Après avoir essuyé un revers lors des élections à l’Union africaine en 2023, Rabat a habilement recentré sa stratégie en séduisant les pays du Sahel via son « Initiative Atlantique ». Ce projet, porté par Mohammed VI, promet aux États enclavés comme le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad un accès direct à l’océan Atlantique via des infrastructures routières et portuaires. Une aubaine pour ces pays, prêts à froisser Alger en échange de perspectives économiques.


L’Initiative Atlantique : le Maroc en conquérant économique

Le Maroc a presque achevé les 93 km de route reliant Smara au nouveau poste frontalier mauritanien, tandis que Nouakchott prolonge sa RN1 vers Bir Moghrein. Ce corridor, présenté comme un pont entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe, renforce l’influence régionale de Rabat. En offrant une porte vers l’Atlantique, le royaume s’impose comme un partenaire incontournable pour les États sahéliens, malgré les liens solides qu’entretient l’Algérie avec le Niger.

Cette manœuvre isole un peu plus Alger, déjà irritée par le soutien croissant de Paris à la souveraineté marocaine. La visite de la ministre française Rachida Dati au Sahara occidental en 2023 avait d’ailleurs déclenché une crise diplomatique, illustrant la sensibilité extrême du dossier.


Algérie-Mauritanie : vers un conflit larvé ?

Si l’Algérie a jusqu’ici évité d’envenimer ouvertement ses relations avec Nouakchott, la situation pourrait évoluer. Les menaces du Polisario de « prendre les armes » contre la Mauritanie rappellent que la région reste une poudrière. Alger, qui considère le Sahara occidental comme une cause sacrée, pourrait durcir son ton, d’autant que la fermeture de sa frontière avec le Maroc depuis 1994 l’a déjà privée de levier terrestre direct vers l’Afrique subsaharienne.

Pourtant, malgré les tensions, les deux capitales partagent des liens historiques et sécuritaires, notamment face à la menace jihadiste au Sahel. Le président Tebboune a même exprimé sa volonté de renforcer la coopération régionale. Pourquoi alors la Mauritanie prend-elle le risque de se rapprocher du Maroc ?


Nouakchott : calculs économiques ou pression marocaine ?

Les motivations mauritaniennes restent énigmatiques. Officiellement, le pays maintient une neutralité de façade, arguant de simples « nécessités logistiques ». Mais Rabat promet monts et merveilles : investissements massifs, projets d’infrastructures, et intégration dans un réseau commercial dynamique. Pour Nouakchott, confrontée à des défis économiques et sécuritaires, le soutien marocain pourrait être vital.

Reste que ce rapprochement comporte des risques. En s’alignant sur le Maroc, la Mauritanie s’expose aux représailles du Polisario et à la défiance algérienne. Alger, qui a longtemps joué les médiateurs discrets, pourrait revoir sa stratégie, poussant à une polarisation accrue de la région.


Conclusion : un jeu dangereux

Le Maroc a réussi à transformer le Sahara occidental en un instrument de puissance, ralliant des partenaires grâce à des promesses de développement. Mais cette stratégie agressive pourrait se retourner contre lui si les tensions dégénèrent. Quant à la Mauritanie, son « basculement » pourrait soit lui offrir une renaissance économique, soit l’entraîner dans un conflit dont elle deviendrait la première victime.

Dans cette partie d’échecs géopolitique, l’Algérie observe, contrainte de repenser son approche. La question reste entière : le jeu en vaut-il la chandelle ? L’avenir dira si les routes de l’Atlantique apporteront la prospérité… ou de nouveaux chaos.

 

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