L’Algérie et l’Espagne ont longtemps entretenu des relations solides, notamment dans les domaines économique et sécuritaire. Cependant, un tournant majeur est survenu en 2022 lorsque Madrid a officiellement soutenu le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, une décision qui a provoqué une crise diplomatique majeure avec Alger. L’Algérie, fervente défenseuse du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, a vivement réagi en rappelant son ambassadeur à Madrid et en suspendant certains accords économiques, notamment sur le gaz.
Un rapprochement pragmatique entre Alger et Madrid ?
Malgré cette tension, les signaux récents laissent entrevoir un apaisement progressif des relations. La rencontre à Madrid entre le ministre de l’Intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska, et son homologue algérien, Ibrahim Mourad, en est une illustration. Officiellement, cette réunion a porté sur la coopération sécuritaire et la lutte contre le crime organisé et l’immigration clandestine. Mais en arrière-plan, ce dialogue peut être interprété comme une volonté d’Alger de renouer un minimum de dialogue avec Madrid, sans pour autant renier sa position sur le Sahara occidental.
L’Algérie est confrontée à plusieurs défis diplomatiques qui la poussent à adopter une approche plus nuancée vis-à-vis de l’Espagne :
- Tensions avec la France : Ces derniers mois, les relations algéro-françaises ont connu des turbulences, notamment sur la mémoire coloniale, les visas et le rôle de la France dans le dossier saharien. Dans ce contexte, l’Algérie ne peut se permettre d’accumuler trop de tensions avec ses partenaires européens.
- Questions économiques et énergétiques : L’Algérie est un fournisseur clé de gaz pour l’Europe et, bien que des contrats aient été révisés, Madrid reste un client important. Une rupture prolongée avec l’Espagne n’est donc pas économiquement viable à long terme.
- Évolution des rapports de force au Maghreb : L’Algérie cherche à renforcer son influence régionale, notamment face au rapprochement entre le Maroc et certains acteurs internationaux, dont l’Espagne et Israël.
L’Algérie a-t-elle réellement accepté la position espagnole sur le Sahara ?
Si Alger semble privilégier un certain apaisement avec Madrid, cela ne signifie pas pour autant une acceptation de la reconnaissance espagnole de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Officiellement, l’Algérie maintient sa position historique et continue de soutenir le Front Polisario sur la scène internationale.
Cependant, en coulisses, il est possible que l’Algérie ait choisi une approche plus pragmatique : au lieu d’une confrontation ouverte avec l’Espagne, elle pourrait chercher à limiter les dommages diplomatiques et préserver des intérêts stratégiques, notamment en matière de sécurité et d’énergie.
Vers une normalisation sous conditions ?
Le dialogue entre les deux pays pourrait se poursuivre dans une logique de pragmatisme mutuel. L’Espagne, malgré son alignement sur Rabat, reste soucieuse de maintenir une coopération sécuritaire efficace avec Alger, notamment pour lutter contre l’immigration clandestine et les trafics transfrontaliers. De son côté, l’Algérie pourrait chercher à reprendre certains accords économiques et diplomatiques, sans pour autant renoncer à ses revendications sur le Sahara occidental.
Ainsi, si une réconciliation totale entre Alger et Madrid semble encore lointaine, des signaux montrent que les deux parties sont prêtes à avancer prudemment dans une relation plus équilibrée, en tenant compte de leurs intérêts respectifs.