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Introduction
Depuis des décennies, les camps de réfugiés sahraouis situés dans la province algérienne de Tindouf sont au cœur du conflit du Sahara occidental. Ces camps, qui abritent des dizaines de milliers de personnes fuyant la guerre entre le Maroc et le Front Polisario dans les années 1970, restent un symbole de l’impasse politique dans la région. Une affirmation récurrente, notamment relayée dans un article récent de l’American Enterprise Institute (AEI), soutient que les Sahraouis de Tindouf souhaitent massivement retourner au Maroc, mais en sont empêchés par le Polisario, qualifié de « marxiste soutenu par l’Algérie », qui retiendrait leurs femmes et enfants en otage. Cet article examine cette thèse, ses fondements et ses limites.
Le Contexte des Camps de Tindouf
Les camps de Tindouf, établis sous l’égide de l’Algérie après le retrait espagnol du Sahara occidental en 1975, accueillent entre 90 000 et 170 000 réfugiés, selon les estimations divergentes du Polisario et du Maroc. Administrés par le Front Polisario, mouvement de libération fondé en 1973, ces camps dépendent largement de l’aide humanitaire internationale pour survivre dans un environnement désertique hostile. L’Algérie, rival régional du Maroc, offre un soutien logistique et diplomatique au Polisario, qui y a proclamé la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par certains pays mais pas par les grandes puissances occidentales.
Une volonté de retour au Maroc ?
L’idée que les Sahraouis aspirent à retourner au Maroc est souvent mise en avant par Rabat et ses soutiens, comme l’AEI. Le Maroc argue que ses investissements dans le Sahara occidental (routes, écoles, emplois) rendent cette option attrayante, et des cas individuels de retours sont médiatisés pour appuyer cette thèse. Cependant, aucune donnée indépendante ne corrobore une volonté majoritaire en ce sens. Si les conditions de vie précaires à Tindouf – pénurie d’opportunités, dépendance à l’aide – peuvent susciter un désir de départ, cela ne signifie pas nécessairement une acceptation de la souveraineté marocaine. Pour beaucoup, l’autodétermination via un référendum, promise par l’ONU en 1991 mais jamais réalisée, reste l’objectif central.
Le Rôle du Polisario : contrôle ou coercition ?
Le Polisario, historiquement influencé par des idéaux socialistes dans les années 1970, est dépeint comme une organisation autoritaire qui bloque les départs vers le Maroc. Il est vrai que ce mouvement exerce un contrôle strict sur les camps, gérant la sécurité, l’aide et les activités politiques. Les déplacements vers le Maroc, perçus comme une trahison de la cause indépendantiste, sont découragés, voire empêchés. Des rapports, comme celui de Human Rights Watch en 2014, soulignent que la liberté de mouvement des réfugiés est restreinte, bien que certains puissent quitter les camps pour l’Algérie ou l’étranger avec des moyens suffisants. L’accusation de « prise d’otages » des femmes et enfants, toutefois, reste plus spéculative. Si des pressions sociales ou familiales peuvent dissuader les départs, aucune preuve systématique ne confirme une politique explicite de séquestration.
Une stratégie géopolitique
Le Polisario a un intérêt clair à maintenir une population importante dans les camps : elle renforce sa légitimité internationale et sa revendication d’un référendum. Un exode vers le Maroc affaiblirait sa position et conforterait la narrative marocaine d’une résolution par l’intégration. L’Algérie, en soutenant cette stratégie, prolonge un statu quo qui sert également ses intérêts face à son rival maghrébin. L’AEI critique ce blocage, y voyant une raison de couper le financement américain à la MINURSO, la mission onusienne chargée de superviser le cessez-le-feu, jugée inefficace après 34 ans d’existence.