Depuis des années, une idée revient régulièrement dans les débats internationaux : le Maroc voudrait le Sahara principalement pour ses ressources naturelles. Cette accusation est largement relayée par certaines mouvances militantes, par des rapports engagés et par des médias étrangers. Elle repose sur une vision qui réduit un dossier complexe à une simple logique économique.
Mais que vaut réellement cette affirmation ?
Et surtout : que révèle-t-elle — ou qu’ignore-t-elle — de la géopolitique du dossier saharien ?
Dans cet article, on revient de manière claire et structurée sur cette question fondamentale.
Table of Contents
🔷 1. Une accusation séduisante… mais simpliste
L’idée que le Maroc exploite le Sahara pour “piller” ses richesses a l’avantage d’être simple et directe.
Elle repose principalement sur trois ressources souvent citées :
- le phosphate de Boucraâ,
- les richesses halieutiques,
- et le potentiel éolien et solaire du sud marocain.
Ces éléments existent, évidemment.
Mais leur importance réelle est souvent exagérée ou mal comprise.
Le phosphate du Sahara représente moins de 2% du potentiel total marocain.
La pêche joue un rôle économique régional, mais son impact sur la macro-économie du Royaume reste limité.
Quant aux projets énergétiques, ils relèvent encore largement du long terme.
Autrement dit : le Sahara possède des ressources, mais il est loin d’être l’Eldorado qu’on imagine parfois.
🔷 2. Le poids économique des ressources : une réalité plus nuancée
Pour comprendre le dossier, il faut regarder les chiffres.
Et ces chiffres montrent clairement une chose :
le Sahara n’est pas, aujourd’hui, un moteur économique décisif pour le Maroc.
Les défis logistiques et géographiques sont lourds :
- climat désertique,
- éloignement des centres industriels,
- infrastructures coûteuses,
- rentabilité réduite par la chaîne d’acheminement.
Le Maroc investit massivement dans les provinces du Sud, mais l’objectif n’est pas la simple extraction minière : c’est le développement global du territoire, qui inclut l’emploi, les routes, les ports, le tourisme, l’éducation et l’industrie.
🔷 3. La véritable motivation du Maroc : la souveraineté et la géopolitique
C’est ici que le cœur du dossier apparaît clairement.
Pour le Maroc, le Sahara n’est pas seulement un espace économique ; c’est avant tout un territoire d’appartenance historique et un espace stratégique majeur.
✔️ Une question de souveraineté
Le Sahara est intégré à l’identité politique et historique du Maroc.
Les liens d’allégeance (la beïa), les relations religieuses, les routes caravanières, tout cela inscrit ce territoire dans la continuité historique du Royaume.
Renoncer au Sahara serait vécu comme une rupture majeure dans l’intégrité nationale.
✔️ Une question de sécurité régionale
Il existe aussi un enjeu stratégique essentiel :
la rivalité avec l’Algérie, qui soutient le Polisario depuis les années 1970 et cherche à influencer l’équilibre régional.
Pour Rabat, abandonner le Sahara reviendrait à laisser naître un État fragile, manipulable ou instable, à sa frontière sud.
✔️ Un espace de projection africaine
Depuis une dizaine d’années, le Maroc développe une vision claire :
faire du Sahara un hub africain.
On y retrouve :
- le port de Dakhla Atlantique en construction,
- la route vers la Mauritanie et l’Afrique de l’Ouest,
- les zones industrielles,
- les câbles électriques internationaux,
- et le projet gigantesque du gazoduc Nigeria–Maroc.
Le Sahara est donc un pivot géostratégique, bien plus qu’une réserve minière.
🔷 4. Alors pourquoi l’argument des ressources revient-il constamment ?
Même si les faits économiques relativisent l’importance des ressources, cet argument reste omniprésent dans le discours anti-marocain pour plusieurs raisons :
✔️ Il est simple à comprendre
“La richesse pillée par un occupant” : c’est un récit clair, moral, facile à communiquer.
✔️ Il sert la stratégie du Polisario et de l’Algérie
Il permet de présenter le Maroc comme un acteur intéressé, et non comme une puissance régionale stabilisatrice.
✔️ Il crée un effet juridique
Certains procès européens se concentrent sur la question des ressources, car c’est un angle d’attaque plus concret que les débats sur la souveraineté.
En résumé :
ce récit fonctionne, mais il ne reflète pas la réalité complète du terrain.
🔷 Conclusion : dépasser les mythes pour comprendre la géopolitique
Le Sahara n’est pas un coffre-fort caché que le Maroc chercherait à exploiter.
C’est un territoire symbolique, stratégique, historique et essentiel à la sécurité régionale.
Les ressources minières existent, mais elles sont loin d’être la raison principale du positionnement marocain.
La clé du conflit se trouve dans :
- la souveraineté,
- la géopolitique régionale,
- la sécurité nationale,
- la projection africaine du Maroc.
Comprendre cela permet de sortir d’une vision simpliste et d’entrer dans une lecture plus profonde du dossier saharien, qui reste l’un des enjeux les plus importants du Maghreb et de l’Afrique du Nord aujourd’hui.