Le 30 avril 2025, un communiqué officiel de la République Démocratique du Congo (RDC), relayé par La Revue Africaine, a apporté un éclairage inédit sur la redéfinition des équilibres géopolitiques en Afrique. Signé à Gaborone le 2 avril en marge d’un sommet de la Communauté de Développement d’Afrique Australe (SADC), le mémorandum d’entente entre Kinshasa et l’organisation régionale a été l’occasion pour la RDC de clarifier sa position sur la question sensible du Sahara Occidental — en affichant un soutien sans équivoque au Maroc. Un tournant diplomatique applaudi à Rabat, mais qui vient exacerber les tensions déjà vives avec l’Algérie.
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Une Affirmation Diplomatique Stratégiquement Calculée
Dans son communiqué, le ministère congolais des Affaires étrangères a tenu à préciser que le mémorandum signé n’engageait en rien la RDC à reconnaître la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), rappelant son attachement au plan d’autonomie marocain de 2007, présenté aux Nations Unies. Cette clarification, hautement symbolique, intervient alors que la SADC elle-même reste divisée sur le sujet : certains de ses membres, comme l’Afrique du Sud ou la Namibie, soutiennent activement le Front Polisario. La RDC se démarque ainsi nettement en rejoignant un axe panafricain favorable à la souveraineté marocaine sur le Sahara.
Ce positionnement s’inscrit dans une politique étrangère plus large menée par le président Félix Tshisekedi, qui a multiplié les rapprochements avec le royaume chérifien ces dernières années. En contrepartie, le Maroc s’est engagé dans plusieurs projets de coopération structurants en RDC : construction d’infrastructures, accords dans le domaine agricole, et appui diplomatique dans les forums multilatéraux. Ce « donnant-donnant » diplomatique fait écho à la stratégie royale de Mohammed VI de tisser un maillage d’alliances solides à travers toute l’Afrique subsaharienne.
Une nouvelle ligne de fracture en Afrique
Mais ce rapprochement ne va pas sans provoquer des remous. L’Algérie, qui soutient historiquement le Front Polisario et la RASD, voit dans cette alliance un affront à sa doctrine diplomatique, fondée sur la défense du droit à l’autodétermination des peuples. La formulation dure du communiqué congolais — dénonçant les « manigances » de la RASD — est perçue à Alger comme une attaque indirecte contre son activisme régional.
Depuis la rupture des relations diplomatiques en 2021, les tensions entre Rabat et Alger n’ont cessé de croître. Alors que le Maroc enchaîne les succès diplomatiques — reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, multiplication des consulats africains à Laâyoune et Dakhla, rapprochement stratégique avec l’Alliance des États du Sahel (AES) —, l’Algérie peine à mobiliser de nouveaux soutiens. Elle voit s’éloigner plusieurs partenaires traditionnels africains, attirés par les promesses marocaines en matière d’investissement, de sécurité et de développement.
Une Afrique reconfigurée
Pour la RDC, ce virage diplomatique est une manœuvre à double objectif : consolider son réseau d’alliés pour faire face à ses fragilités internes (insécurité persistante dans l’est, défis budgétaires chroniques) et se repositionner comme un acteur pivot dans une Afrique en mutation. Le Maroc, de son côté, s’impose comme le catalyseur d’un nouveau bloc continental, en opposition stratégique à l’axe algéro-sud-africain.
Cette reconfiguration met à l’épreuve la cohésion de la SADC, mais aussi celle de l’Union Africaine, confrontée à une fracture géopolitique croissante entre les États pro-marocains (Côte d’Ivoire, Sénégal, RDC, Zambie) et les soutiens du Polisario. Le risque est double : une paralysie diplomatique sur le dossier du Sahara Occidental, et une fragmentation du consensus continental en matière d’intégration.
Enjeux et scénarios à venir
Ce réalignement des alliances africaines pourrait déboucher sur plusieurs scénarios. Dans le meilleur des cas, la multiplication d’initiatives économiques transversales, comme celles portées par le Maroc, pourrait renforcer la coopération Sud-Sud et dynamiser les échanges intra-africains. Dans le pire, une polarisation accrue entre blocs rivaux risque d’aggraver les tensions régionales, notamment dans des zones déjà instables comme le Sahel ou la région des Grands Lacs.
À court terme, il est probable que l’Algérie intensifie sa contre-offensive diplomatique, notamment via la diplomatie énergétique ou en activant ses réseaux au sein de la SADC et de l’Union Africaine. Mais face à une dynamique marocaine soutenue par des partenariats concrets et une vision continentale affirmée, Alger pourrait bien se retrouver dans une posture défensive.