Les récentes élections au sein de l’Union africaine (UA) ont donné lieu à une série de résultats qui ont alimenté les débats sur la scène géopolitique continentale. Deux scrutins se distinguent particulièrement : l’élection à la vice-présidence de la Commission de l’UA et celle relative au Conseil de paix et de sécurité (CPS). La rivalité entre l’Algérie et le Maroc, souvent mise en avant, trouve ici un écho fort. Voici un éclairage sur ces résultats, leur contexte et leurs implications.
I. Clarification des résultats électoraux
1. Élection à la Vice-Présidence de la Commission de l’UA (15 février 2025)
- Résultat final :
- Selma Malika Haddadi (Algérie) a été élue avec 33 voix au septième tour.
- La candidate marocaine Latifa Akharbach a été éliminée lors de l’avant-dernier tour, avec 17 voixrelevées selon plusieurs sources médiatiques africaines et algériennes.
- Point de clarification :
- Certaines communications initiales évoquaient un score de 26-22, qui semble correspondre à une autre élection (comme celle relative au CPS) ou à une phase intermédiaire du scrutin.
2. Élection au Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’UA (12 février 2025)
- Résultat :
- L’Algérie, malgré un soutien de 30 voix, n’a pas pu atteindre le seuil des deux tiers requis (soit 54 voix) pour obtenir un siège au CPS.
- Le Maroc, bien que candidat dans cette course, a vu ses ambitions freiner, étant éliminé plus tôt avec seulement 17 voix.
II. Facteurs explicatifs des résultats
Plusieurs éléments ont influencé ces résultats électoraux et illustrent les stratégies contrastées adoptées par les deux camps :
1. Suspension de pays Pro-Marocains
- Impact :
- Six pays – le Gabon, le Niger, le Burkina Faso, le Mali, la Guinée et le Soudan – ont été suspendus pour des raisons politiques (coup d’État récents ou non-respect des normes démocratiques).
- Leur absence lors du vote a privé le Maroc d’un soutien crucial dans les deux scrutins, impactant directement le nombre de voix obtenues.
2. Stratégies diplomatiques différenciées
- Approche Algérienne :
- L’Algérie a déployé 34 diplomates lors de ces scrutins.
- Des mesures économiques, telles que l’annulation de dettes envers plusieurs pays africains (des rumeurs évoquant une somme dépassant le milliard de dollars), ont permis de rallier des soutiens décisifs.
- Approche Marocaine :
- Le Maroc a opté pour une présence plus discrète, avec seulement 12 émissaires mobilisés.
- Le royaume a misé sur des alliances solides, notamment en s’appuyant sur des partenaires stratégiques comme Djibouti, dont le candidat a par ailleurs remporté la présidence de la Commission.
3. Allégations de corruption
- Des sources non confirmées rapportent que la délégation algérienne aurait distribué des « mallettes » lors du vote en Éthiopie, pratique qui aurait été dénoncée par plusieurs médias marocains.
- Ces allégations, bien qu’encore à vérifier, alimentent les polémiques et accentuent la méfiance entre les camps.
III. Réactions et conséquences géopolitiques
1. Réactions en Algérie
- La victoire de Selma Malika Haddadi est présentée comme un succès diplomatique majeur.
- Bien que le poste de vice-présidence soit souvent perçu comme plus administratif que décisionnel, il symbolise néanmoins l’influence croissante de l’Algérie au sein de l’UA.
2. Réactions au Maroc
- Malgré l’échec dans ces scrutins, Rabat conserve une influence indirecte par la détention de postes clés au sein de l’UA.
- Par exemple, Fadel Sijilmassi, directeur général de la Commission, demeure une figure importante.
- De plus, l’élection du Djiboutien Ali Mahamoud Youssouf à la présidence de la Commission témoigne de la capacité du Maroc à peser sur la scène institutionnelle africaine, même en cas de revers électoraux.
3. Critiques générales
- Plusieurs observateurs dénoncent l’instrumentalisation de l’UA pour résoudre des rivalités bilatérales.
- Ces critiques mettent en lumière le risque que ces luttes de pouvoir détournent l’organisation de ses priorités essentielles, comme la promotion de la paix, la sécurité et l’intégration économique en Afrique.
IV. Conclusion
Les récents scrutins de l’Union africaine mettent en exergue non seulement la compétition pour des postes influents, mais aussi l’intensité des rivalités historiques, notamment entre l’Algérie et le Maroc. Alors que la victoire de Selma Malika Haddadi à la vice-présidence de la Commission est perçue comme un coup de maître diplomatique pour Alger, l’échec du Maroc dans l’obtention d’un siège au CPS, accentué par la suspension de pays favorables et des stratégies moins percutantes, traduit la complexité des enjeux actuels.
Ces élections illustrent parfaitement comment, dans un contexte de tensions et de recompositions géopolitiques, chaque détail – du nombre de diplomates déployés aux accords économiques conclus – peut jouer un rôle décisif dans l’obtention de soutiens. La scène africaine reste donc marquée par des rivalités qui, si elles ne compromettent pas l’intégration continentale, incitent à repenser les mécanismes de gouvernance pour favoriser une coopération au-delà des intérêts nationaux.