lors d’un Conseil des ministres, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a ordonné au ministre de l’Agriculture d’élaborer un cahier des charges pour importer jusqu’à un million de moutons en vue de l’Aïd el-Adha. Cette décision fait écho à une annonce précédente du roi du Maroc, fin février 2025, appelant les Marocains à renoncer au sacrifice cette année en raison de la sécheresse et des difficultés économiques. Tebboune semble vouloir marquer une différence en maintenant le rituel coûte que coûte. Mais cette opération est-elle réaliste ?
Analyse de la faisabilité
1. Temps nécessaire pour un appel d’offres Lancer une consultation internationale et s’approvisionner à cette échelle prend un temps considérable. En général, un appel d’offres de cette ampleur suit plusieurs étapes :
- Rédaction du cahier des charges : 1 à 2 semaines.
- Publication et réception des offres : 2 à 4 semaines.
- Évaluation et signature des contrats : 1 à 2 semaines.
Total estimé : entre 4 et 8 semaines (30 à 60 jours). Si tout commence immédiatement après le 9 mars, les contrats pourraient être signés entre mi-avril et début mai, laissant à peine 1,5 à 2 mois avant l’Aïd.
2. Disponibilité d’un million de moutons Trouver un tel volume en si peu de temps est un véritable défi :
- Pays exportateurs : L’Australie, qui exporte environ 1 à 2 millions de moutons par an, pourrait être un fournisseur clé. Mais la demande mondiale, notamment à l’approche de l’Aïd, est élevée.
- Stock immédiat : Aucun pays n’a un million de moutons prêts à l’exportation en quelques jours. Entre inspection, vaccination et certification sanitaire, plusieurs semaines sont nécessaires.
3. Logistique de transport L’importation d’un million de moutons pose des problèmes logistiques majeurs :
- Navires spécialisés : Les « livestock carriers » transportent 60 000 à 75 000 têtes par voyage. Il faudrait 13 à 17 voyages.
- Temps de transport : 2 à 4 semaines depuis l’Australie, 1 à 2 semaines depuis l’Europe.
- Infrastructures portuaires : Les ports algériens devraient gérer un afflux massif avec des quarantaines sanitaires obligatoires (1 à 2 semaines).
4. Distribution interne Même si les moutons arrivent, leur distribution à travers les 58 wilayas algériennes exigerait une logistique bien rodée : transport terrestre, stockage, points de vente. Étant donné les difficultés récurrentes dans la gestion logistique du pays, une exécution fluide semble hautement improbable.
Contexte et réalisme politique La sécheresse touche également l’Algérie, affaiblissant son cheptel local (estimé à 17 millions de têtes en 2023, contre 36 millions revendiqués auparavant). L’importation d’un million de moutons représenterait environ 25 % des besoins pour l’Aïd, un objectif ambitieux mais non impossible en théorie.
Toutefois, Tebboune est régulièrement critiqué pour ses annonces jugées populistes et difficilement applicables. En novembre 2024, il affirmait ne pas vouloir importer de moutons vivants, avant de changer d’avis en mars 2025, probablement en réaction à la décision marocaine.
Conclusion L’importation d’un million de moutons en trois mois est une promesse audacieuse mais très peu réaliste :
- Temps insuffisant : L’ensemble du processus (appel d’offres, transport, quarantaine, distribution) est difficilement réalisable en 90 jours.
- Ressources limitées : Ni les fournisseurs, ni les infrastructures algériennes ne semblent préparés pour une opération d’une telle envergure.
- Motivation politique : Cette annonce relève davantage d’un positionnement symbolique face au Maroc que d’un projet réalisable.
Pour que ce plan fonctionne, il aurait fallu le lancer bien avant – dès janvier ou février – et non en réaction à une annonce marocaine. À ce stade, il semble que l’Algérie puisse peut-être importer quelques centaines de milliers de moutons, mais atteindre le million relève de l’impossible. Tebboune risque de se retrouver face à une promesse difficile à tenir, alimentant davantage les doutes sur sa crédibilité.